«Mon rôle n’est pas de prendre la lumière, ça ne m’intéresse pas, ce n’est pas dans mon caractère.» Pour tous ceux qui pensent qu’un leader doit forcément se mettre en avant, Cédric Sorhaindo constitue le parfait contre-exemple. Arrivé en équipe de France un beau jour d’octobre 2005, sur la pointe des pieds, le Martiniquais ne l’a plus jamais quittée depuis, se constituant ainsi un palmarès extraordinaire (triple champion du monde, double champion d’Europe et champion olympique en 2012 à Londres). Et pourtant, il reste pour ainsi dire un inconnu aux yeux du grand public.
Dans l’ombre d’un Nikola Karabatic, d’un Thierry Omeyer ou d’un Daniel Narcisse. Et cette situation lui convient très bien, comme il nous le confie avec le sourire : «L’équipe de France, à mes yeux, c’est ma famille. Je ne cherche pas à avoir un rôle, c’est naturellement que le groupe en attribue un à chacun. Après, patron ou pas, cela ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est faire ce qui me plait. Par exemple aider et accompagner au mieux les jeunes.» D’où ce qualificatif qui revient souvent à l’évocation de son nom au sein du groupe : Tchouf (son surnom) le grand frère. «Ce terme me plait davantage car je sais ce que j’ai vécu à mon arrivée en équipe de France, comment j’aurais aimé qu’on me parle. Du coup, quand je parle à un jeune, je ne dis pas «je pense» mais «je sais» car je l’ai vécu. Ils savent que lorsqu’ils ont besoin de conseils, ils peuvent venir me voir. Tout comme j’essaie d’anticiper certains problèmes qui pourraient se poser à eux.»
Né avec les tibias tordus, il n’aurait en effet jamais dû courir
Guillaume Gille, son ancien coéquipier devenu entraineur en sélection, abonde dans son sens : «Cédric a un rôle moteur au sein du groupe. Dans ses prises de position, dans l’énergie très positive qu’il peut dégager, dans les conseils qu’il peut prodiguer aux jeunes, il est un élément clé du collectif. C’est un vrai combattant qui a cette capacité d’embarquer tout le monde derrière lui. Il est capable d’efforts colossaux pour le bien de l’équipe.» Et Gille de citer un exemple concret : «Quand il calme Valentin (Porte) en fin de match contre la Norvège, c’est un vrai symbole du bien qu’il fait à cette équipe. C’est important de pouvoir s’autoréguler entre nous quand il y en a un qui a les fils qui se touchent. Cédric le fait très bien, avec une autorité naturelle.»
Car il ne faut pas se fier uniquement aux apparences. Sous ses airs de gros nounours très décontracté que rien ne semble pouvoir atteindre sommeille une force de caractère phénoménale. De celle qui lui a permis de surmonter une enfance difficile sur le plan sportif. Né avec les tibias tordus, il n’aurait en effet jamais dû courir. Mais plusieurs opérations chirurgicales et sa détermination ont renversé cet obstacle. Mentalement costaud, Sorhaindo l’a été également lorsqu’il a quitté son cocon martiniquais à l’âge de 17 ans pour venir en métropole se faire opérer d’un genou. Une épreuve qui l’a marqué tout autant qu’elle a forgé son caractère. Jamais il n’a choisi le chemin de la facilité.
Je ne suis pas vraiment un génie du jeu. Plutôt celui qu’on ne voit pas souvent, mais qui est efficace
Quand il quitte Toulouse pour le grand Barça en août 2010, tout le monde, ou presque, s’attendait à le voir échouer. Un verbe qui ne fait pas partie de son vocabulaire. Difficiles, les premières saisons le mettent à l’épreuve, lui qui parle peu et se met volontiers à l’écart. Sauf que sur le terrain, Sorhaindo sait se rendre indispensable. Et aujourd’hui, le club catalan ne se séparerait de lui pour rien au monde. Même les approches du Paris SG à la sauce qatarie ont été vaines. Qu’il le veuille ou non, il est bien le patron, aussi, de la formation barcelonaise. En revanche, inutile de le comparer à un certain Lionel Messi. Dans un entretien accordé à 20 Minutes, lui se disait plus proche d’un «joueur comme Sergio Busquets. Un besogneux, un travailleur. Je ne suis pas vraiment un génie du jeu. Plutôt celui qu’on ne voit pas souvent, mais qui est efficace.» Et totalement indispensable.